« Vivre à Haida Gwaii, auparavant appelé îles de la Reine-Charlotte, au large de la côte nord-ouest de la Colombie-Britannique, est certainement le deuxième plus grand défi de ma vie, après mon rôle de parent », affirme Curtis Rasmussen. C’est là une affirmation audacieuse de la part d’un homme qui, dans son métier, doit faire face à des situations difficiles. « J’ai décidé d’accepter un déploiement à Haida Gwaii au sein de la Gendarmerie royale du Canada, m’appuyant sur la foi de mon épouse, un de ses dons spirituels. »
Les Rasmussens voulaient accepter l’affectation de trois ans en région éloignée exigée par la GRC pendant que leurs enfants étaient jeunes. Toutefois, il était impératif que l’Église y soit établie. Parmi les lieux d’affectation possibles, le plus rapproché pour pouvoir assister aux réunions de l’Église était à cinq heures de route ou exigeait une longue traversée en bateau. « Lorsque j’ai vu les îles de la Reine-Charlotte dans la liste des possibilités, cela m’a semblé l’endroit idéal. Je n’avais aucun doute que c’était l’endroit où nous devions aller et que tout irait bien », explique Leah Rasmussen. Le traversier prend huit heures pour se rendre d’Haida Gwaii à la côte de la Colombie-Britannique. Ils ont accepté l’affectation en s’appuyant sur leur foi, ne sachant pas s’il y avait un seul membre de l’Église sur l’île.
Curtis a confié les intentions de sa famille aux dirigeants de la mission canadienne de Vancouver, en Colombie-Britannique, espérant que des missionnaires seraient envoyés à Haida Gwaii, un projet que le président de mission avait déjà en tête. Lorsque Karl Tilleman, président à l’époque, a entendu parler des Rasmussens, il a envoyé deux missionnaires. « C’était comme un miracle, affirme Curtis, cela confirmait que tout irait bien ». Les missionnaires, les premiers en 40 ans, sont arrivés à l’île environ deux mois avant la famille Rasmussen. Des 40 membres inscrits au registre et habitant sur l’île, les missionnaires n’ont trouvé qu’une sœur qui vivait activement l’évangile. Elle assistait aux réunions chaque fois qu’elle quittait l’île pour son travail. Peu de temps après, après plus de 30 ans d’inactivité, deux autres sœurs sont revenues à l’Église. À ses débuts, cette nouvelle congrégation était composée de ces trois femmes, d’un de leurs petits-fils, des cinq membres de la famille Rasmussens et des missionnaires.
Ce n’est qu’un des défis qu’ils ont eu à relever. « Nous avons acquis un ferme témoignage des réserves et de la trousse d’urgence de 72 heures après qu’un tremblement de terre de 7,7 sur l’échelle Richter a frappé notre région quelques mois après notre arrivée, affirme Leah. Les produits frais sont livrés sur l’île par traversier le lundi seulement. Le jeudi soir, il ne restait que des conserves et des produits congelés sur les tablettes des magasins. Lorsque le traversier ne peut pas venir à l’île, la nourriture ne peut pas être livrée non plus, nous ne pouvons donc compter que sur nos réserves. »
Frère Rasmussen a reçu plusieurs appels. Il est premier conseiller dans la présidence de branche, greffier de paroisse, instructeur à la Prêtrise et visiteur au foyer. Les deux détenteurs de la prêtrise d’Aaron et un grand prêtre sont ensemble pour la réunion de la prêtrise. Sœur Rasmussen est présidente et instructrice de la Primaire, responsable de la garderie et instructrice visiteuse. Leurs quatre enfants forment la majorité de la Primaire, mais il y a quand même des présentations en classe et un programme de la Primaire. Par nécessité, tous les membres participent au service de culte du dimanche. Curtis prend la parole environ une fois par mois et Leah à des intervalles de quelques mois. Même les enfants participent activement. Les Rasmussens étudient ensemble les écritures tous les jours, prient en famille et tiennent régulièrement la soirée familiale. Curtis qualifie cela de « chaos organisé ». Pour se rendre à la conférence de district, il faut passer huit heures sur le traversier et faire une heure et demie de route et aussi prévoir des dépenses considérables. « Nous avons assisté quatre fois à une conférence de district. Chaque fois, cela a représenté de grosses dépenses pour le traversier, l’essence, la nourriture et l’hébergement, affirme Leah. Toutefois, en combinant ces voyages avec des rendez-vous médicaux sur le continent, cela semble plutôt une tendre miséricorde. Pour les enfants ces dépenses sont justifiées, sachant qu’ils pourront nager dans une piscine et manger de la malbouffe. »
Un jour, qu’il était en service officiel, Curtis a donné une bénédiction de la prêtrise à une investigatrice qui avait été gravement blessée lors d’un incident de violence conjugale. « Elle était mourante lorsque je suis arrivé, raconte Curtis, j’ai pu poser mes mains sur sa tête et lui donner une bénédiction. Elle a survécu et est plus tard devenue membre de l’Église. Ce jour‑là, j’ai compris que Dieu me faisait confiance, que je m’étais trouvé là à ce moment précis pour aider et protéger une de ses précieuses filles. »
Quant aux autres défis qu’ont dû surmonter Curtis et Leah, ils se sentaient parfois isolés, les activités et la camaraderie que l’on trouve dans une grande paroisse leur manquaient. « Parmi les choses qui me manquent, il y a la fraternité qui existe au sein de la prêtrise et le fait d’avoir un visiteur au foyer à qui on peut téléphoner pour avoir une bénédiction, explique Curtis. Mes collègues de la GRC me respectent et connaissent mes standards, mais comme je ne bois pas et ne socialise pas de la même façon qu’eux, nous ne faisons pas beaucoup d’activités ensemble. Je n’ai pas servi de mission quand j’étais jeune et je l’ai toujours regretté, mais je dois dire qu’être ici c’est comme servir une mission pour moi. Nous nous sentons comme des pionniers. Le fait de savoir que Dieu se soucie de moi et de ma famille me donne beaucoup de force. Je sais que lorsque nous demandons son aide, Il nous permet de faire de notre mieux peu importe les circonstances. »
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